Né à Québec en 1981, Olivier Roberge vit et travaille désormais à Montréal. Formé en ébénisterie artisanale, il confectionne des paysages sculpturaux miniatures en employant une méthode tirée du savoir-faire des maquettistes pour construire des univers poétiques. Souhaitant unifier ce qui, à priori, est séparé, ses oeuvres se veulent une mise en relief de ce mariage de l’incompatible, tant dans la forme que dans le propos. Elles questionnent à la fois notre relation à la nature et notre compréhension du monde.


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As-tu été surpris du lien que nous faisons entre ta démarche artistique et notre magazine ?

Au contraire ! D’ailleurs, ça faisait un moment que je me disais qu’il faudrait que j’approche des firmes de graphisme ou des magazines afin d’offrir mon travail. Alors, quand j’ai reçu un premier message pour cette collaboration, ça m’est apparu tout naturel.

Depuis quelques années, je discerne un appétit renouvelé pour la miniature ; les plateformes de diffusion sur le web se prêtent bien à ce type de visuel. Avec les nouvelles technologies de traitement de l’image, il devient de plus en plus difficile de départager le vrai du faux et je crois qu’il est agréable pour l’observateur d’arriver à en faire la différence. Cela permet de nous laisser envoûter par « l’histoire de l’image ». En d’autres mots, la photographie documentaire nous dit : « voici la réalité » - ce qui se discute - tandis que la photographie de maquette se contente de dire : « il était une fois »…


Vois-tu des similitudes entre ton art et l’agriculture à échelle humaine ?

Au-delà des évidences sur le caractère miniature de la représentation de mon art, je peux nommer tout de suite les éléments naturels comme une constante dans mes oeuvres, et qui ont aussi servi de base à ce projet. Malgré la verdure abondante, on peut remarquer que l’attention est mise avant tout sur les personnages. Pour moi, il était évident que l’humain serait le sujet central de cette collaboration.

Normalement, je débute toujours par donner vie à mon paysage. Cette fois-ci, par contre, j’ai décidé de travailler à l’envers ; j’ai commencé en cherchant des figurines pouvant illustrer les travailleurs dans les potagers. Même si mes oeuvres parlent de l’Homme, je considère que sa présence est souvent facultative. Plus souvent qu’autrement, il ne sert qu’à donner une échelle aux éléments représentés. Ici, à l’inverse, je souhaitais qu’il soit le centre de l’attention, mais qu’on puisse aussi le percevoir comme une partie négligeable d’un tout qui le dépasse, au-delà des limites du cadrage photographique.


« Pour moi, il était évident que l’humain serait le sujet central de cette collaboration. »


Si je peux me permettre un parallèle, je crois que ma réalité de travailleur autonome rejoint bien plus le thème de l’agriculture à échelle humaine que mes oeuvres elles-mêmes. Tout comme l’agriculteur, je dois constamment être en mesure de m’adapter aux changements et faire face aux divers imprévus de la vie. Le milieu culturel a également ses cycles et ses saisons (production, diffusion, jachère, etc.). Pour survivre et continuer à vivre de notre art, il faut savoir rester curieux, s’intéresser aux techniques du passé tout comme celles de demain, il ne faut rien prendre pour acquis et surtout, il faut aimer ce que l’on fait !


Qu’est-ce qui t’a inspiré pour créer l’oeuvre en couverture du magazine ?

Avant tout, je m’intéresse aux narrations que l’humain construit autour de lui pour donner du sens à sa vie ; celles qui me passionnent le plus abordent et décrivent le rapport de l’Homme à la terre.

Pour l’agriculture à échelle humaine, cette idée de « libérer du territoire » afin de laisser plus de place à une nature libre du contrôle de l’humain me parle beaucoup. C’est pour cette raison que l’image créée pour la couverture du magazine représente une partie de territoire cultivée, entourée d’une nature abondante. Si mes compositions peuvent sembler réalistes, je ne me soucie pas de créer des reproductions conformes à la réalité. Je crée des contrastes, je confronte des idées. C’est pourquoi, dans le cas de l’image de couverture, les arbres et toute la végétation apparaissent si proches des champs de culture et que l’ensemble peut donner une impression générale de disproportion. Nous vivons dans un monde de fiction où les narrations peuvent être infinies ; la réalité ne m’intéresse donc pas. Seuls ceux qui ont l’audace de raconter de nouvelles histoires m’intéressent. C’est cette nouvelle histoire de l’agriculture à échelle humaine qui m’intéresse.

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